Grenouille rousse (Rana temporaria)
La grenouille rousse est la grenouille la plus répandue en Suisse.
Description
La grenouille rousse[1], Rana temporaria est un anoure [Note 1] de grande taille. Les adultes peuvent atteindre une longueur de 11cm, les mâles sont plus petits que les femelles et les jeunes métamorphosés mesurent 1,0- 1,6 cm. Cette grenouille a une allure lourde et possède des pattes postérieures relativement courtes. Sa pigmentation varie dans tous les tons de bruns, de roux ou de gris mais jamais de vert, qui est surtout la couleur des rieuses ou des rainettes. Elle possède des taches plus ou moins contrastées, ou marbrées sur la face dorsale ainsi que des bandes transversales sombres sur les cuisses et les jambes. Chez le mâle, les pelotes nuptiales3 sont brun-noir. La grenouille rousse possède également un museau bref, tronqué et incurvé à la hauteur des narines. Son champ temporal est foncé et ses tympans sont plus petits que ses yeux et plutôt éloignés de ceux-ci.
Habitat
La grenouille rousse est l’espèce la plus répandue en Suisse, elle est pratiquement omniprésente. Ses habitats et ses sites de reproduction sont très divers. Cependant elle évite les régions sèches et les zones agricoles banalisées et intensivement exploitées. Tous les plans d’eau se prêtent à la reproduction, pourvu que les poissons n’y abondent pas. Les œufs et les larves se développent même dans les eaux plutôt fraîches, ainsi elle peut choisir des mares forestières ombragées, ou même des franges de certains cours d’eau. La grenouille rousse adopte rapidement les étangs artificiels tels que les biotopes des jardins. Les alentours de l’étang doivent être assez riches en structures qui permettent le refuge et l’alimentation.
Mœurs
La grenouille rousse se déplace déjà entre août et novembre vers les eaux de ponte. Pour passer l’hiver, une partie des animaux choisissent des sites subaquatiques bien oxygénés comme les ruisseaux ou les embouchures des étangs. D’autres hibernent en se réfugiant dans le sol humide d’une forêt, à l’abri du gel dans des galeries de rongeurs, le long du tracé d’une vieille racine ou alors sous du bois mort ; ils commenceront leur déplacement en direction du site de ponte dès le premier dégel. Ce déplacement se concentre sur quelques nuits, si le temps le permet. À cette occasion, de nombreux individus se font écraser sur les routes.
Les plans d’eau favorables peuvent accueillir des milliers d’individus. Les rescapés se rassemblent tout en cherchant les secteurs où a lieu le premier dégel de la surface. Ce sont souvent des zones peu profondes, composées d’une couche herbeuse immergée, et situées sur la bordure nord de l’étang. La plupart du temps, la majorité de la surface de l’étang est encore gelée en cette saison et la température de l’eau dépasse rarement les 4°C. Dans les zones les plus clémentes du Plateau, la période migratoire des grenouilles rousses commence parfois déjà en février.
Accouplement
Le point culminant de la reproduction est atteint vers le 10 mars. Les mâles, qui rejoignent le plan d’eau le plus souvent avant les femelles, se disposent d’une façon irrégulière autour de l’eau. Ils forment alors une ou plusieurs « arènes », regroupant parfois des centaines voire des milliers de mâles. Ils émettent alors tous un croassement sourd et discret, un chant doux qui devient clairement audible lorsqu’il est émis par autant d’individus. Les grenouilles rousses sont actives surtout le soir, mais elles se manifestent également de jour, par temps calme et clément.
Les mâles prennent d’assaut chaque femelle s’approchant du lieu de ponte en l’empoignant fermement sous les aisselles. Les couplent peuvent rester en amplexus (Note 1) durant plusieurs jours.
Ponte
La ponte a lieu quelques heures, voire quelques jours plus tard. Au moment de celle-ci, la femelle libère une grappe gélatineuse contenant, suivant sa taille, 800 à 2500 œufs.
Lors de cet acte, les femelles perdent environ un tiers de leur poids et apparaissent bien creuses après s’être déchargées de leurs œufs. Après la ponte, la plupart des animaux quittent rapidement l’étang et retournent en forêt ou dans les champs pour s’enterrer à nouveaux pour quelques semaines. D’autres animaux, une minorité surtout des mâles, restent au point d’eau pendant plusieurs semaines de manière très discrète afin d’attendre les éventuelles femelles retardataires.
Gestation des oeufs et éclosion
Les grappes d’œufs sont déposées côte à côte afin de constituer un tapis gélatineux pouvant atteindre une surface de plus d’un mètre carré. Au bout de 1 à 3 semaines, de petites larves noires aux branchies très développées éclosent. Celles-ci essaient d’escalader la masse gélatineuse entourant les oeufs, afin de profiter des températures d’eau plus élevées. Toutefois le choix de se reproduire dans les eaux peu profondes mène bien souvent à des conséquences fatales, autant pour les œufs que pour les larves. Lors d’un printemps sec, si le niveau de l’eau baisse rapidement, œufs et larves sont mis à sec. Cependant sur le plan de la survie de la population, cet évènement n’a que de rares suites catastrophiques car lors de printemps favorable, c’est-à-dire chaud et humide, il y a un une « surproduction » énorme qui compense aisément les pertes d’une autre année.
Développement des nouveaux-nés
Les branchies extérieures des larves se résorbent rapidement, et peu à peu la forme bien familière du têtard apparaît. Deux mois plus tard, sur le Plateau, la larve se transforme en une petite grenouille terrestre. Pour ce faire, le corps subit une métamorphose fondamentale : les poumons se développent, les petites dents cornées disparaissent pour laisser place à une « langue-fronde ». La queue rétrécit, quatre membres se forment et des yeux proéminents apparaissent. Cette transformation empêche les batraciens de se nourrir pendant plusieurs jours. Lors de conditions favorables, des milliers de petites grenouilles de 12 à 15 mm de long quittent l’étang natal, on appelle cela une « nuée de grenouilles ».
Jusqu’à leur maturité sexuelle, généralement après 3 ans, les subadultes mènent une vie très discrète et semblent avoir disparu. Durant cette période, ils ne retournent plus vers leur point d’eau. Ce n’est qu’à leur quatrième printemps qu’ils commencent le chemin de retour vers leur lieu de naissance. La plupart des mâles et des femelles rejoindront leur lieu de ponte chaque année, sauf en montagne où les femelles présentent un cycle biennal. La majorité des grenouilles rousses ne reviennent pas plus de 2 à 4 années de suite pour pondre. Elles n’atteignent donc que rarement l’âge de 5 à 7 ans.
Notes
Anoure : amphibien sans queue
Amplexus : Méthode d’accouplement où le mâle surmonte la femelle en s’y accrochant avec les pattes.