« Castor d'Europe » : différence entre les versions
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Le castor d’Europe (''Castor fiber'') est un mammifère appartenant à l’ordre des rongeurs. Avec un poids compris généralement entre 20 et 30 kg, et une taille pouvant atteindre les 135 cm (queue comprise), il est le plus grand rongeur indigène du continent eurasiatique. Le castor est purement végétalien et ne se nourrit ainsi que de plantes. | |||
Wikis qui traitent du castor : | Ce bâtisseur infatigable est connu pour ses barrages, qui peuvent modifier drastiquement le paysage aquatique. C’est pourquoi il est considéré comme un ingénieur de l’écosystème. | ||
== Éradication et réintroduction == | |||
Comme dans la quasi-totalité de l’Eurasie, le castor d’Europe a été complétement éradiqué de Suisse au 19<sup>ème</sup> siècle. Le dernier castor du pays a été tiré aux alentours de 1820 dans le Pays d’Enhaut <ref>Stocker, G. (1985). Biber (''Castor fiber'' L.) in der Schweiz. Probleme der Wiedereinbuergerung aus biologischer und ökologischer Sicht. ''Berichte. Rapports. Rapporti'', (274)</ref>. Le castor était pourchassé principalement pour sa fourrure, sa viande et son castoréum, une substance huileuse utilisée en médecine et en parfumerie. | |||
Les premières velléités de réintroduire le castor en Helvétie datent des années 1930, lorsque Carl Stremmer, un naturaliste schaffhousois, reçut la permission de disposer d’un étang pour accueillir le retour du rongeur. Il ne réussit cependant jamais à obtenir des animaux vivants pour mener son projet à bien <ref name=":0">Blanchet, M. (1977). ''Le castor et son royaume: le roman de Bièvre''. Ligue Suisse pour la protection de la nature.</ref>. | |||
En Suisse romande, ce sont les genevois Maurice Blanchet et Robert Hainard qui furent les fers de lance de la réintroduction du castor. Le 7 novembre 1955, le comité de l’Association Genevoise pour la Protection de la Nature décida de mener à bien cette aventure<ref name=":0" />. Les autorisations du Conseil fédéral, des Autorités genevoises, des services vétérinaires fédéral et cantonal ainsi que de la direction des douanes étaient également nécessaire à l’importation, puis au lâcher d’individus dans le canton de Genève [1]. | |||
=== Réintroduction genevoise === | |||
La Versoix a été choisie comme cours d’eau devant accueillir le retour de l’ingénieur de l’écosystème en Suisse. Les quatre premiers castors arrivés en Suisse ont été concédés par la France : ils provenaient de la population résiduelle du Rhône [1]. La première expédition de capture fut lancée en novembre 1956. Elle eut lieu sur le Gardon et fut exécutée par quatre Suisses, Maurice Blanchet, Robert Hainard, Jacques Burnier et Jean-Pierre Graf [1]. Après des tentatives infructueuses en face du village de Cardet, les trappeurs en herbe se dirigent en amont du pont de Lézan, dans le domaine de Lascours, chez la princesse de Croy grâce aux indications de M. Mourre, un garde-pêche [1]. La princesse de Croy n’appréciait pas du tout les rongeurs, qu’elle accusait de saper ses berges ; elle a ainsi lancé à Maurice Blanchet lors de leur rencontre : « Prenez-les tous ! » [1]. Là, les Suisses capturent leur premier individu, qui succombera malheureusement rapidement de la pseudo-tuberculose après son arrivée dans sa nouvelle patrie [1]. | |||
La deuxième expédition est programmée pour fin mars 1957. Elle est à nouveau prévue chez la princesse de Croy [1]. A l’équipe initiale se sont ajoutés Camille Audergon, Jean-Louis et Antoinette Perrot et Germaine Hainard [1]. Cette fois, la chasse est plus fructueuse : après seulement quelques nuits, trois castors sont capturés. Il s’agit d’une femelle et de ses deux jeunes de l’année précédente, un mâle et une femelle [1]. Une seconde femelle adulte fut capturée peu de temps après. | |||
La mère et ses deux jeunes, une fois rapatriés en Suisse, furent enfermés dans un enclos dans l’attente d’obtenir le permis de lâcher par les autorités fédérales. L’autre femelle, appartenant à une famille différente, fut installée au jardin zoologique de Berne par précaution. Si au début, tout se passa bien dans la famille, après quelques semaines, la mère tua ses deux petits [1]. Ce n’est finalement que le 6 janvier 1958 que l’autorisation fédérale de lâcher arriva [1]. La femelle adulte avait cependant déjà retrouvé sa liberté quelques heures plus tôt au profit d’une crue ayant créé une brèche dans son enclos (et d’une aide bienvenue de Maurice Blanchet et Camille Audergon, qui agrandirent quelques peu cette ouverture) [1]. L’autre femelle, à Berne, dut encore patienter jusqu’à la troisième expédition, qui eut lieu en février 1958. Robert Hainard, Camille Audergon, Jean-Pierre Ricci, Georges Stephen et Maurice Blanchet en ramenèrent 3 individus [1]. Il s’agissait d’un mâle et d’une femelle adulte, ainsi que d’un jeune mâle, probablement leur petit. Ils furent relâchés à 2 km en amont de la première femelle. La femelle bernoise fut relâchée au même endroit [1]. | |||
Ce sont ainsi au total 5 individus qui furent relâchés sur la Versoix entre janvier et février 1958. Ils ont cependant beaucoup circulé durant les premières années, changeant même de rivière (Boiron de Nyon, Promenthouse) et jetant leur dévolu plutôt sur la haute Versoix qu’à l’emplacement choisi par les naturalistes [1]. Les deux premières naissances enregistrées datent de fin mai 1959. Ces deux jeunes furent cependant retrouvés morts en octobre de la même année, le crâne criblé de plomb [1]. | |||
Seize ans après ces réintroductions, Maurice Blanchet tire un bilan de son expérience : « Si nous avions mieux connu les castors, et si nous avions pu parvenir à un accord avec les autorités de nos trois « pays » - Genève, Vaud et Ain – nos huit animaux auraient pu être relâchés d’emblée dans la haute Versoix, où ils auraient sans doute tous survécu. » Il ajoute toutefois que les circonstances politiques n’auraient pas permis un tel déroulé [1]. | |||
=== Réintroduction neuchâteloise === | |||
Le canton de Neuchâtel souhaita suivre le mouvement, sous la houlette d’Archibald Quartier [1]. En octobre 1962, un couple de castors du Gard fut relâché dans les gorges de l’Areuse. Cette réintroduction ne se déroula cependant pas bien : quelques jours plus tard, l’un des individus, qui circulait sur une passerelle surplombant les gorges, fut surpris par un cycliste et sauta dans le vide. L’autre fut récupéré, épuisé, sur l’autoroute vers Boudry [1]. Après avoir été soigné, il fut relâché sur l’Areuse, à une altitude de près de 1000 m. Manque de chance, une vague de froid gela la rivière la nuit suivante, et ce castor n’a jamais plus fait parler de lui [1]. Après cet échec, il fut décidé de relâcher des castors sur le lac de Neuchâtel : ce fut chose faite en mars 1963 (6 castors) puis en avril 1964 (5 castors) [1]. Un couple s’installa rapidement sur la Thielle et eut 3 petits en 1963. Ils furent malheureusement découverts par une pelle mécanique : les parents s’enfuirent et les jeunes furent recueillis par le conducteur. Malgré les soins apportés, ils ne survécurent pas [1]. | |||
=== Autres réintroductions === | |||
D’autres réintroductions eurent lieu en Suisse, notamment entre juin 1965 et septembre 1966 en Argovie, où 23 castors norvégiens sont relâchés sur l’Aar et certains de ses affluents. Ces réintroductions ont été menées par Karl Rüedi [1]. | |||
En Thurgovie, c’est Anton Trösch qui mène ces opérations, après que son frère, Hannes, lui en ait donné l’idée en 1963 [1]. Lors de sa recherche d’individus, on ne lui proposa que des castors canadiens. Il prit alors contact avec la Norvège et pu importer 12 castors de ce pays. Les deux premiers animaux arrivèrent en Suisse en novembre 1966. Puis en juin 1968, six autres arrivent par avion de Norvège. Cinq individus viendront compléter le groupe en automne de la même année [1]. | |||
En 1973, 3 animaux furent relâchés dans les gorges du Trient, en Valais. Ces individus étaient un cadeau de la part des Savoyards aux Valaisans, qui leurs avaient fourni un lot de bouquetins pour un prix amical [1]. Ces individus disparurent rapidement sans laisser de traces. | |||
En 1975, des gardes genevois capturèrent 5 castors et les offrir aux cantons de Vaud et de Fribourg en catastrophe [1]. | |||
== Évolution des populations == | |||
A la suite des diverses réintroductions réalisées en Suisse à partir des années 1950, un premier recensement national a été réalisé en 1978. A cette époque, 111 castors avaient été comptés. Quinze ans plus tard, en 1993, ce sont 454 individus qui étaient recensés en Suisse. Puis, en 2008, 1602 castors se répartissaient sur 472 territoires [3]. Finalement, en 2022, année du dernier recensement réalisé, ce sont 4842 animaux répartis sur 1382 territoires qui ont été comptabilisés [3]. | |||
=== Genève === | |||
En 2008, 63 castors occupaient 21 territoires dans le canton de Genève, sur un tronçon de 58 km <ref name=":1">Angst C. (2010). Vivre avec le castor. Recensement national de 2008 : Perspectives pour la cohabitation avec le castor en Suisse. Connaissance de l’environnement no 1008. Office fédéral de l’environnement, Berne, et Centre Suisse de Cartographie de la Faune, Neuchâtel. 156 p</ref>. A cette époque, une grande partie des cours d’eau susceptibles d’être colonisés étaient déjà occupés. De plus, on constatait une densification des territoires sur l’Arve et le Rhône par rapport au dernier recensement de 1993 [5]. | |||
Le recensement de l’hiver 2021-2022 a compté 81 individus répartis sur 26 territoires et divers affluents, tels que l’Hermance, la Laire ainsi que l’embouchure de la Versoix [3]. En 2022, le castor colonisait 53 km de cours d’eau, dont 39 km entièrement dans le canton de Genève et 14 km sur la frontière avec le canton de Vaud et la France. Il existe encore un faible potentiel d’expansion du castor le long des petits cours d’eau, tels que la Seymaz et ses affluents [3]. | |||
=== Vaud === | |||
En 2008, 286 individus étaient répartis sur 72 territoires dans le canton de Vaud, sur un tronçon de 225 km de cours d’eau [4]. L’expansion de l’espèce dans la plaine du Rhône, dans celle de la Broye et sur le lac de Neuchâtel a causé un accroissement de la population de 80 % entre 1993 et 2008 [3]. | |||
En 2022, le canton de Vaud comptait 711 individus, répartis sur 194 territoires. Les castors occupaient 268 km de cours d’eau, dont 207 km entièrement sur sol cantonal et 61 km sur la frontière avec les cantons de Genève, Fribourg, Neuchâtel et Valais. En quatorze ans, le nombre de territoires a surtout augmenté le long des affluents du Léman, sur les lacs de Neuchâtel et de Morat ainsi que le long de la Broye. La Menthue – exception faite de son embouchure – et ses affluents n’abritaient pas encore de territoire de castors en 2008 mais présentait en 2022 l’une des plus importantes densités du canton [3]. | |||
=== Valais === | |||
En 2008 on recensait 103 individus répartis sur 29 territoires dans le canton du Valais. A cette époque, les castors étaient alors presque exclusivement installés dans la plaine du Rhône, entre Monthey et le Léman [4]. En 2022, le canton comptait 164 castors et 44 territoires répartis sur 90 km de cours d’eau, dont 65 km se situent entièrement en Valais et 25 km à la frontière avec le canton de Vaud [3]. | |||
S’il est vraisemblable que le castor poursuive son expansion et que l’effectif se densifie encore en Valais, les crues régulières soumettent la population à d’importantes fluctuations [3, 4]. | |||
=== Fribourg === | |||
En 2008, le canton de Fribourg comptait 97 castors, répartis sur 34 territoires. À l’époque, sa distribution se concentrait principalement dans le nord du canton, le cours inférieur de la Broye et de ses affluents, ainsi que les rives du lac de Neuchâtel abritant la plupart des territoires [4]. | |||
Entre 2008 et 2022, on a observé une densification des territoires dans la partie septentrionale, le long de la Broye et de la Sarine, sur les lacs de Neuchâtel et de Morat ainsi que sur leurs affluents. L’effectif de castors a ainsi quadruplé dans le canton de Fribourg et l’on y compte aujourd’hui 401 castors, répartis sur 125 territoires [3]. | |||
Malgré l’augmentation de l’effectif, il existe encore un potentiel de colonisation d’autres cours d’eau dans la partie méridionale du canton. Ainsi la Glâne, le Javro, la Jogne et leurs affluents restent à conquérir et ce, bien que des castors aient tenté à plusieurs reprises de s’établir sur la Jogne et le Javro depuis 2008 [3]. | |||
=== Neuchâtel === | |||
En 2008, on comptait 34 castors se partageant 9 territoires dans le canton de Neuchâtel [4]. L’effectif avait connu une forte hausse depuis le recensement de 1993 [5], hausse qui s’expliquait par une densification des territoires sur le canal de la Thielle. Le lac de Neuchâtel et la Vieille Thielle abritaient également quelques territoires. | |||
Bien que le potentiel d’expansion dans le canton de Neuchâtel ait été jugé faible à l’époque [4], l’effectif de castors y a presque triplé depuis 2008. En 2022, le canton comptait 103 castors dans 31 territoires [3]. | |||
À l’avenir, il semble peu probable que l’effectif augmente encore beaucoup, car l’espèce a épuisé le potentiel de colonisation un peu partout et elle ne trouvera de nouveaux habitats qu’en de rares endroits [3]. | |||
=== Jura === | |||
Lors du recensement de 2008, le canton du Jura ne comptait pas encore de castors [4]. Il héberge aujourd’hui 1 à 2 individus dans un territoire situé sur la Sorne, près de Delémont [3]. Le canton a probablement été colonisé à partir de la Birse, le territoire familial le plus proche se trouvant à Zwingen, dans le canton de Bâle-Campagne [3]. | |||
Le canton du Jura et ses cours d’eau présentent un important potentiel de colonisation. Ainsi, le Doubs ne compte actuellement aucun castor sur sol cantonal. L’Allaine, au nord de Porrentruy, offre également un grand potentiel. Sur territoire français, les castors ont déjà colonisé la rivière jusqu’à la frontière suisse [6] et, en décembre 2022, des traces fraîches ont également été trouvées sur l’Allaine entre Porrentruy et Courchavon. Par ailleurs, de nombreux habitats favorables sont encore disponibles pour le castor le long de la Birse et de la Sorne ou sur les étangs de Bonfol. Il faut donc s’attendre à une poursuite de l’expansion et à une augmentation de l’effectif de castors dans le canton [3]. | |||
== Statut et protection == | |||
Le castor est considéré comme une espèce protégée à l’échelle nationale depuis 1962 et est en ce sens protégé par la loi sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages (art. 4 LChP ; [7]). | |||
Lors de l’établissement de la liste rouge des espèces menacées de 1994, il était reconnu comme une espèce « en danger critique d’extinction » (CR) [8]. Trois décennies plus tard, lors de la révision de la liste rouge des mammifères de 2022, le castor s’est vu attribuer le statut bien plus envié d’«espèce de préoccupation mineure » (LC) [9]. Cette sortie fulgurante de catégorie des espèces menacées s’est basée sur le développement très positif du rongeur en Suisse, passant de quelques centaines à plusieurs milliers d’individus. | |||
== La gestion du castor == | |||
La Suisse est un petit territoire sur lequel de nombreux intérêts parfois divergents se retrouvent. La promotion immobilière, la protection de la nature ou encore l’agriculture n’ont pas toutes les mêmes objectifs. Et si l’on rajoute par-dessus des castors, pour qui l’aménagement du territoire reste un concept obscur, de nombreuses tensions peuvent se cristalliser. C’est pourquoi il est nécessaire de définir une gestion d’un animal pouvant avoir des impacts aussi importants sur le paysage. | |||
En Suisse, les aspects législatifs liés à la gestion du castor sont gérés par la Confédération, tandis que l’application des lois est entre les mains des cantons. Sur le terrain, ce sont en premier lieu les gardes-faune qui font office de premiers répondants lorsque des questions de gestion de l’espèce se posent. | |||
La gestion du castor est réglée en premier lieu par la loi sur la chasse (LChP ; [10]) et son ordonnance [11]. Les grandes lignes de cette gestion (gestion des barrages, indemnisation des dégâts, mesures de prévention, etc.) y sont esquissées, tandis que le Plan Castor Suisse [12] détermine en détails l’application de ces règles. | |||
La version actuelle du Plan Castor Suisse date de 2016. Avec la révision de l’ordonnance sur la chasse de février 2025, une mise à jour de ce plan est nécessaire. Cette mise à jour est actuellement en cours. | |||
== Projet de recherche national == | |||
En 2020, l’OFEV a lancé un grand projet de recherche sur le castor. Ce projet, intitulé '''« Fonctionnalité des barrages de castors dans le paysage »''', était constitué de 5 modules : | |||
* Recensement national du castor (hiver 2021-2022) | |||
* Biodiversité | |||
* Migration piscicole | |||
* Qualité des eaux | |||
* Stockage du carbone | |||
* Modélisation castor et zones alluviales | |||
Les principaux résultats sont évoqués ici, ils sont détaillés sur le site du service conseil castor [12]. | |||
=== ''Recensement national du castor (hiver 2021-2022) [13]'' === | |||
Entre décembre 2021 et avril 2022, plus de 400 cartographes et gardes-faune ont parcouru quelques 7000 km de cours d’eau à la recherche de traces de castors. Voici les principaux résultats de ce projet : | |||
* Entre 2008 et 2022, le nombre de territoires de castors en Suisse est passé de 472 à 1382. | |||
* La Suisse et le Liechtenstein comptent 4914 castors. La population a triplé par rapport à 2008. | |||
* La population continue d’augmenter dans toutes les régions. Seuls le Seeland bernois et la vallée inférieure de la Thur connaissent une baisse du taux de croissance. On observe ici une lente saturation des cours d’eau libres. | |||
* La colonisation des petits et très petits ruisseaux se poursuit. Près de 40 % des castors vivent sur des ruisseaux de moins de 5 m de large. | |||
* Les castors construisent de plus en plus de barrages dans les petits ruisseaux. En 2008, seuls 185 barrages ont été recensés ; en 2022, on en comptait 1316. | |||
* S’il est vrai que l'expansion du castor s'accompagne d'une augmentation des conflits, en 2022, seuls 28 % des territoires de castors étaient considérés comme conflictuels. Ceux-ci se situent principalement en zone agricole. Pour les résoudre à long terme, de nouveaux instruments sont nécessaires. | |||
* Le castor offre de grandes opportunités : en raison de son impact positif sur la diversité des espèces, sur les fonctions écosystémiques telles que la rétention de l’eau ou la qualité de l’eau, et sur les structures des cours d'eau, le castor peut être utilisé de manière ciblée pour une stratégie efficace de protection de la nature. | |||
=== Biodiversité === | |||
Ce projet a étudié l'influence du castor sur la composition et la diversité de différents groupes d'organismes (poissons et écrevisses, amphibiens, odonates, macrozoobenthos et macrophytes). Dans le cadre de ce module, 16 territoires de castors du Plateau suisse situés sur des plans d'eau structurellement très différents (naturels, peu et fortement altérés) ont été étudiés durant 2 ans. | |||
* Le castor conduit à une augmentation significative du bois mort et des substrats inorganiques (sédiments fins, sable etc.) | |||
* L’abondance des poissons et écrevisses, des amphibiens, des odonates et des macrophytes réagit positivement à la présence du castor. Aucune augmentation significative de l’abondance du macrozoobenthos n’a pu être démontrée. Cela est sans doute dû à l’effet de dérive (''drift-effect'') : lors des crues, les larves sont emportées par le courant ce qui oblige fréquemment les adultes à recoloniser les tronçons depuis l’aval. Un effet de « lissage » des abondances entre les tronçons d’étude et les tronçons contrôle expliquerait donc l’absence de différence significative entre les sites. | |||
* Les truites présentes dans les étangs de castors sont tendanciellement plus grandes et plus lourdes que dans les sites contrôles. | |||
* Le pourcentage d'augmentation de la biodiversité est plus élevé dans les sites altérés que dans les sites proches de l’état naturel. | |||
* La diversité des espèces est multipliée par 2,6 dans les étangs de castors par rapport au site contrôle, tandis que l’abondance est multipliée par 5,9 (résultats sur les 16 sites d’étude). | |||
* Si l’on considère uniquement les territoires ayant conservé leurs barrages tout au long de l’étude (les barrages de 5 territoires ont été balayés par des crues entre 2021 et 2023), on observe une multiplication de la diversité spécifique par 3,1, tandis que l’abondance est multipliée par 13,7. | |||
* Si l’on considère uniquement le sous-groupe de 4 territoires présents en forêt et où les activités du castor permettent de reconnecter le cours d’eau à la plaine alluviale, on observe une diversité des espèces multipliée par 6,5, tandis que l’abondance est multipliée par 62. | |||
=== Migration piscicole === | |||
Cette étude sur les castors et la migration piscicole visait à investiguer le comportement des poissons face aux barrages de castors. Trois types de cours d’eau ont été étudiés : connecté latéralement, intermédiaire et incisé. | |||
* Un ruisseau latéralement connecté avec des chenaux latéraux conduit à un nombre élevé de remontées. Sur le site d’étude du Schwarzbach, ce sont près de 75 % des truites qui ont réussi à franchir le barrage de castor. | |||
* Nous avons pu démontrer grâce au tronçon d’étude du Chriesbach (une rivière relativement incisée mais présentant tout de même un petit lit majeur) que la formation rapide de chenaux latéraux sur le lit majeur en cas de crues peut faciliter la remontée des poissons. Sur ce tronçon, même une espèce aussi peu mobile que le chabot parvient à franchir le barrage (35 % des individus). | |||
* Par conséquent, les caractéristiques du chenal sont importantes pour la remontée des poissons sur les barrages de castors. | |||
* Les remontées sur le Tegelbach (cours d’eau incisé) coïncident généralement avec les crues ou la baisse des débits de crue. En l’absence de formation de chenaux secondaires, les poissons profitent d’une égalisation entre les niveaux d’eau amont et aval pour franchir le barrage de castor. | |||
* Sur le Chriesbach (cours d’eau incisé avec lit majeur), de nombreuses remontées, mais pas toutes, coïncident avec un rapprochement des niveaux d'eau amont et aval. Cela s’explique par le fait que même lors de crues de faible ampleur, des chenaux latéraux permettant la remontée des poissons se forment sur le lit majeur. | |||
* Les conditions météorologiques influencent grandement le succès de traversée : Les années humides (2021), la remontée des poissons était plus facile tandis qu’en période de sécheresse (2022), la remontée des poissons était plus difficile. | |||
* Ainsi, on peut conclure que dans un cours d'eau suisse « normal », un barrage de castor ne pose pas de problème aux poissons. | |||
* Ce n'est que dans les cours d'eau régulés, comme les passes à poissons, ou lors de phases particulièrement sèches pendant la migration de frai des truites de lac/des saumons, que des problèmes pourraient se poser. | |||
== Wikis qui traitent du castor : == | |||
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https://www.nicolas-stettler.ch/en/blog/beaver | https://www.nicolas-stettler.ch/en/blog/beaver | ||
== Sources == | |||
<ref>Angst, C., Auberson, C., Nienhuis, C. (2023). Recensement du castor 2022 en Suisse et au Liechtenstein. Info fauna – service conseil castor et Fornat AG. 140 S.</ref> | |||
<ref name=":1" /> | |||
<ref>Rahm, U. & Bättig, M. (1996). Le castor en Suisse, recensement, menaces, protection. Cahier de l’environnement no 249. OFEFP. 68 p.</ref> | |||
<ref>OFB (2023). Réseau de correspondants Castor, <nowiki>https://carmen.carmencarto.fr/38/Cas-tor.map</nowiki>, état janvier 2023.</ref> | |||
<ref>Loi fédérale modifiant celle sur la chasse et la protection des oiseaux (Du 23 mars 1962). FF 1962 I 707. <nowiki>https://www.fedlex.admin.ch/eli/fga/1962/1_681_707_465/fr</nowiki></ref> | |||
<ref>OFEFP (1994). Listes rouges des espèces animales menacées de Suisse. Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP), 3003 Berne. 97 p.</ref> | |||
<ref>Capt S. (2022). Liste rouge des mammifères (hors chauves-souris). Espèces menacées en Suisse. Office fédéral de l’environnement (OFEV) ; info fauna (CSCF). L’environnement pratique no 2202 : 42 p.</ref> | |||
<ref>Loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages (Loi sur la chasse, LChP). SR 922.0. <nowiki>https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1988/506_506_506/fr</nowiki>.</ref> | |||
<ref>Ordonnance sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages (Ordonnance sur la chasse, OChP). SR 922.01. <nowiki>https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1988/517_517_517/fr</nowiki>.</ref> | |||
<ref>https://www.infofauna.ch/fr/services-conseil/service-conseil-castor/gestion/projets-de-recherche#gsc.tab=0</ref> | |||
<ref>https://www.infofauna.ch/fr/conservation/2024_biber-bestandeserhebung-2022#gsc.tab=0</ref> <ref>https://www.infofauna.ch/fr/conservation/2024_castor-et-biodiversite#gsc.tab=0</ref> <ref>https://www.infofauna.ch/fr/conservation/2024_diversite-poissons#gsc.tab=0</ref> <ref>https://www.infofauna.ch/fr/conservation/2024_qualite-des-eaux#gsc.tab=0</ref> <ref>https://www.infofauna.ch/fr/conservation/2024_cycle-du-carbone#gsc.tab=0</ref><ref>https://www.infofauna.ch/fr/conservation/2024_modelisation-de-plaines-alluviales-creees-par-le-castor-en-suisse#gsc.tab=0</ref> |
Version du 26 février 2025 à 11:08
Le castor d’Europe (Castor fiber) est un mammifère appartenant à l’ordre des rongeurs. Avec un poids compris généralement entre 20 et 30 kg, et une taille pouvant atteindre les 135 cm (queue comprise), il est le plus grand rongeur indigène du continent eurasiatique. Le castor est purement végétalien et ne se nourrit ainsi que de plantes.
Ce bâtisseur infatigable est connu pour ses barrages, qui peuvent modifier drastiquement le paysage aquatique. C’est pourquoi il est considéré comme un ingénieur de l’écosystème.
Éradication et réintroduction
Comme dans la quasi-totalité de l’Eurasie, le castor d’Europe a été complétement éradiqué de Suisse au 19ème siècle. Le dernier castor du pays a été tiré aux alentours de 1820 dans le Pays d’Enhaut [1]. Le castor était pourchassé principalement pour sa fourrure, sa viande et son castoréum, une substance huileuse utilisée en médecine et en parfumerie.
Les premières velléités de réintroduire le castor en Helvétie datent des années 1930, lorsque Carl Stremmer, un naturaliste schaffhousois, reçut la permission de disposer d’un étang pour accueillir le retour du rongeur. Il ne réussit cependant jamais à obtenir des animaux vivants pour mener son projet à bien [2].
En Suisse romande, ce sont les genevois Maurice Blanchet et Robert Hainard qui furent les fers de lance de la réintroduction du castor. Le 7 novembre 1955, le comité de l’Association Genevoise pour la Protection de la Nature décida de mener à bien cette aventure[2]. Les autorisations du Conseil fédéral, des Autorités genevoises, des services vétérinaires fédéral et cantonal ainsi que de la direction des douanes étaient également nécessaire à l’importation, puis au lâcher d’individus dans le canton de Genève [1].
Réintroduction genevoise
La Versoix a été choisie comme cours d’eau devant accueillir le retour de l’ingénieur de l’écosystème en Suisse. Les quatre premiers castors arrivés en Suisse ont été concédés par la France : ils provenaient de la population résiduelle du Rhône [1]. La première expédition de capture fut lancée en novembre 1956. Elle eut lieu sur le Gardon et fut exécutée par quatre Suisses, Maurice Blanchet, Robert Hainard, Jacques Burnier et Jean-Pierre Graf [1]. Après des tentatives infructueuses en face du village de Cardet, les trappeurs en herbe se dirigent en amont du pont de Lézan, dans le domaine de Lascours, chez la princesse de Croy grâce aux indications de M. Mourre, un garde-pêche [1]. La princesse de Croy n’appréciait pas du tout les rongeurs, qu’elle accusait de saper ses berges ; elle a ainsi lancé à Maurice Blanchet lors de leur rencontre : « Prenez-les tous ! » [1]. Là, les Suisses capturent leur premier individu, qui succombera malheureusement rapidement de la pseudo-tuberculose après son arrivée dans sa nouvelle patrie [1].
La deuxième expédition est programmée pour fin mars 1957. Elle est à nouveau prévue chez la princesse de Croy [1]. A l’équipe initiale se sont ajoutés Camille Audergon, Jean-Louis et Antoinette Perrot et Germaine Hainard [1]. Cette fois, la chasse est plus fructueuse : après seulement quelques nuits, trois castors sont capturés. Il s’agit d’une femelle et de ses deux jeunes de l’année précédente, un mâle et une femelle [1]. Une seconde femelle adulte fut capturée peu de temps après.
La mère et ses deux jeunes, une fois rapatriés en Suisse, furent enfermés dans un enclos dans l’attente d’obtenir le permis de lâcher par les autorités fédérales. L’autre femelle, appartenant à une famille différente, fut installée au jardin zoologique de Berne par précaution. Si au début, tout se passa bien dans la famille, après quelques semaines, la mère tua ses deux petits [1]. Ce n’est finalement que le 6 janvier 1958 que l’autorisation fédérale de lâcher arriva [1]. La femelle adulte avait cependant déjà retrouvé sa liberté quelques heures plus tôt au profit d’une crue ayant créé une brèche dans son enclos (et d’une aide bienvenue de Maurice Blanchet et Camille Audergon, qui agrandirent quelques peu cette ouverture) [1]. L’autre femelle, à Berne, dut encore patienter jusqu’à la troisième expédition, qui eut lieu en février 1958. Robert Hainard, Camille Audergon, Jean-Pierre Ricci, Georges Stephen et Maurice Blanchet en ramenèrent 3 individus [1]. Il s’agissait d’un mâle et d’une femelle adulte, ainsi que d’un jeune mâle, probablement leur petit. Ils furent relâchés à 2 km en amont de la première femelle. La femelle bernoise fut relâchée au même endroit [1].
Ce sont ainsi au total 5 individus qui furent relâchés sur la Versoix entre janvier et février 1958. Ils ont cependant beaucoup circulé durant les premières années, changeant même de rivière (Boiron de Nyon, Promenthouse) et jetant leur dévolu plutôt sur la haute Versoix qu’à l’emplacement choisi par les naturalistes [1]. Les deux premières naissances enregistrées datent de fin mai 1959. Ces deux jeunes furent cependant retrouvés morts en octobre de la même année, le crâne criblé de plomb [1].
Seize ans après ces réintroductions, Maurice Blanchet tire un bilan de son expérience : « Si nous avions mieux connu les castors, et si nous avions pu parvenir à un accord avec les autorités de nos trois « pays » - Genève, Vaud et Ain – nos huit animaux auraient pu être relâchés d’emblée dans la haute Versoix, où ils auraient sans doute tous survécu. » Il ajoute toutefois que les circonstances politiques n’auraient pas permis un tel déroulé [1].
Réintroduction neuchâteloise
Le canton de Neuchâtel souhaita suivre le mouvement, sous la houlette d’Archibald Quartier [1]. En octobre 1962, un couple de castors du Gard fut relâché dans les gorges de l’Areuse. Cette réintroduction ne se déroula cependant pas bien : quelques jours plus tard, l’un des individus, qui circulait sur une passerelle surplombant les gorges, fut surpris par un cycliste et sauta dans le vide. L’autre fut récupéré, épuisé, sur l’autoroute vers Boudry [1]. Après avoir été soigné, il fut relâché sur l’Areuse, à une altitude de près de 1000 m. Manque de chance, une vague de froid gela la rivière la nuit suivante, et ce castor n’a jamais plus fait parler de lui [1]. Après cet échec, il fut décidé de relâcher des castors sur le lac de Neuchâtel : ce fut chose faite en mars 1963 (6 castors) puis en avril 1964 (5 castors) [1]. Un couple s’installa rapidement sur la Thielle et eut 3 petits en 1963. Ils furent malheureusement découverts par une pelle mécanique : les parents s’enfuirent et les jeunes furent recueillis par le conducteur. Malgré les soins apportés, ils ne survécurent pas [1].
Autres réintroductions
D’autres réintroductions eurent lieu en Suisse, notamment entre juin 1965 et septembre 1966 en Argovie, où 23 castors norvégiens sont relâchés sur l’Aar et certains de ses affluents. Ces réintroductions ont été menées par Karl Rüedi [1].
En Thurgovie, c’est Anton Trösch qui mène ces opérations, après que son frère, Hannes, lui en ait donné l’idée en 1963 [1]. Lors de sa recherche d’individus, on ne lui proposa que des castors canadiens. Il prit alors contact avec la Norvège et pu importer 12 castors de ce pays. Les deux premiers animaux arrivèrent en Suisse en novembre 1966. Puis en juin 1968, six autres arrivent par avion de Norvège. Cinq individus viendront compléter le groupe en automne de la même année [1].
En 1973, 3 animaux furent relâchés dans les gorges du Trient, en Valais. Ces individus étaient un cadeau de la part des Savoyards aux Valaisans, qui leurs avaient fourni un lot de bouquetins pour un prix amical [1]. Ces individus disparurent rapidement sans laisser de traces.
En 1975, des gardes genevois capturèrent 5 castors et les offrir aux cantons de Vaud et de Fribourg en catastrophe [1].
Évolution des populations
A la suite des diverses réintroductions réalisées en Suisse à partir des années 1950, un premier recensement national a été réalisé en 1978. A cette époque, 111 castors avaient été comptés. Quinze ans plus tard, en 1993, ce sont 454 individus qui étaient recensés en Suisse. Puis, en 2008, 1602 castors se répartissaient sur 472 territoires [3]. Finalement, en 2022, année du dernier recensement réalisé, ce sont 4842 animaux répartis sur 1382 territoires qui ont été comptabilisés [3].
Genève
En 2008, 63 castors occupaient 21 territoires dans le canton de Genève, sur un tronçon de 58 km [3]. A cette époque, une grande partie des cours d’eau susceptibles d’être colonisés étaient déjà occupés. De plus, on constatait une densification des territoires sur l’Arve et le Rhône par rapport au dernier recensement de 1993 [5].
Le recensement de l’hiver 2021-2022 a compté 81 individus répartis sur 26 territoires et divers affluents, tels que l’Hermance, la Laire ainsi que l’embouchure de la Versoix [3]. En 2022, le castor colonisait 53 km de cours d’eau, dont 39 km entièrement dans le canton de Genève et 14 km sur la frontière avec le canton de Vaud et la France. Il existe encore un faible potentiel d’expansion du castor le long des petits cours d’eau, tels que la Seymaz et ses affluents [3].
Vaud
En 2008, 286 individus étaient répartis sur 72 territoires dans le canton de Vaud, sur un tronçon de 225 km de cours d’eau [4]. L’expansion de l’espèce dans la plaine du Rhône, dans celle de la Broye et sur le lac de Neuchâtel a causé un accroissement de la population de 80 % entre 1993 et 2008 [3].
En 2022, le canton de Vaud comptait 711 individus, répartis sur 194 territoires. Les castors occupaient 268 km de cours d’eau, dont 207 km entièrement sur sol cantonal et 61 km sur la frontière avec les cantons de Genève, Fribourg, Neuchâtel et Valais. En quatorze ans, le nombre de territoires a surtout augmenté le long des affluents du Léman, sur les lacs de Neuchâtel et de Morat ainsi que le long de la Broye. La Menthue – exception faite de son embouchure – et ses affluents n’abritaient pas encore de territoire de castors en 2008 mais présentait en 2022 l’une des plus importantes densités du canton [3].
Valais
En 2008 on recensait 103 individus répartis sur 29 territoires dans le canton du Valais. A cette époque, les castors étaient alors presque exclusivement installés dans la plaine du Rhône, entre Monthey et le Léman [4]. En 2022, le canton comptait 164 castors et 44 territoires répartis sur 90 km de cours d’eau, dont 65 km se situent entièrement en Valais et 25 km à la frontière avec le canton de Vaud [3].
S’il est vraisemblable que le castor poursuive son expansion et que l’effectif se densifie encore en Valais, les crues régulières soumettent la population à d’importantes fluctuations [3, 4].
Fribourg
En 2008, le canton de Fribourg comptait 97 castors, répartis sur 34 territoires. À l’époque, sa distribution se concentrait principalement dans le nord du canton, le cours inférieur de la Broye et de ses affluents, ainsi que les rives du lac de Neuchâtel abritant la plupart des territoires [4].
Entre 2008 et 2022, on a observé une densification des territoires dans la partie septentrionale, le long de la Broye et de la Sarine, sur les lacs de Neuchâtel et de Morat ainsi que sur leurs affluents. L’effectif de castors a ainsi quadruplé dans le canton de Fribourg et l’on y compte aujourd’hui 401 castors, répartis sur 125 territoires [3].
Malgré l’augmentation de l’effectif, il existe encore un potentiel de colonisation d’autres cours d’eau dans la partie méridionale du canton. Ainsi la Glâne, le Javro, la Jogne et leurs affluents restent à conquérir et ce, bien que des castors aient tenté à plusieurs reprises de s’établir sur la Jogne et le Javro depuis 2008 [3].
Neuchâtel
En 2008, on comptait 34 castors se partageant 9 territoires dans le canton de Neuchâtel [4]. L’effectif avait connu une forte hausse depuis le recensement de 1993 [5], hausse qui s’expliquait par une densification des territoires sur le canal de la Thielle. Le lac de Neuchâtel et la Vieille Thielle abritaient également quelques territoires.
Bien que le potentiel d’expansion dans le canton de Neuchâtel ait été jugé faible à l’époque [4], l’effectif de castors y a presque triplé depuis 2008. En 2022, le canton comptait 103 castors dans 31 territoires [3].
À l’avenir, il semble peu probable que l’effectif augmente encore beaucoup, car l’espèce a épuisé le potentiel de colonisation un peu partout et elle ne trouvera de nouveaux habitats qu’en de rares endroits [3].
Jura
Lors du recensement de 2008, le canton du Jura ne comptait pas encore de castors [4]. Il héberge aujourd’hui 1 à 2 individus dans un territoire situé sur la Sorne, près de Delémont [3]. Le canton a probablement été colonisé à partir de la Birse, le territoire familial le plus proche se trouvant à Zwingen, dans le canton de Bâle-Campagne [3].
Le canton du Jura et ses cours d’eau présentent un important potentiel de colonisation. Ainsi, le Doubs ne compte actuellement aucun castor sur sol cantonal. L’Allaine, au nord de Porrentruy, offre également un grand potentiel. Sur territoire français, les castors ont déjà colonisé la rivière jusqu’à la frontière suisse [6] et, en décembre 2022, des traces fraîches ont également été trouvées sur l’Allaine entre Porrentruy et Courchavon. Par ailleurs, de nombreux habitats favorables sont encore disponibles pour le castor le long de la Birse et de la Sorne ou sur les étangs de Bonfol. Il faut donc s’attendre à une poursuite de l’expansion et à une augmentation de l’effectif de castors dans le canton [3].
Statut et protection
Le castor est considéré comme une espèce protégée à l’échelle nationale depuis 1962 et est en ce sens protégé par la loi sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages (art. 4 LChP ; [7]).
Lors de l’établissement de la liste rouge des espèces menacées de 1994, il était reconnu comme une espèce « en danger critique d’extinction » (CR) [8]. Trois décennies plus tard, lors de la révision de la liste rouge des mammifères de 2022, le castor s’est vu attribuer le statut bien plus envié d’«espèce de préoccupation mineure » (LC) [9]. Cette sortie fulgurante de catégorie des espèces menacées s’est basée sur le développement très positif du rongeur en Suisse, passant de quelques centaines à plusieurs milliers d’individus.
La gestion du castor
La Suisse est un petit territoire sur lequel de nombreux intérêts parfois divergents se retrouvent. La promotion immobilière, la protection de la nature ou encore l’agriculture n’ont pas toutes les mêmes objectifs. Et si l’on rajoute par-dessus des castors, pour qui l’aménagement du territoire reste un concept obscur, de nombreuses tensions peuvent se cristalliser. C’est pourquoi il est nécessaire de définir une gestion d’un animal pouvant avoir des impacts aussi importants sur le paysage.
En Suisse, les aspects législatifs liés à la gestion du castor sont gérés par la Confédération, tandis que l’application des lois est entre les mains des cantons. Sur le terrain, ce sont en premier lieu les gardes-faune qui font office de premiers répondants lorsque des questions de gestion de l’espèce se posent.
La gestion du castor est réglée en premier lieu par la loi sur la chasse (LChP ; [10]) et son ordonnance [11]. Les grandes lignes de cette gestion (gestion des barrages, indemnisation des dégâts, mesures de prévention, etc.) y sont esquissées, tandis que le Plan Castor Suisse [12] détermine en détails l’application de ces règles.
La version actuelle du Plan Castor Suisse date de 2016. Avec la révision de l’ordonnance sur la chasse de février 2025, une mise à jour de ce plan est nécessaire. Cette mise à jour est actuellement en cours.
Projet de recherche national
En 2020, l’OFEV a lancé un grand projet de recherche sur le castor. Ce projet, intitulé « Fonctionnalité des barrages de castors dans le paysage », était constitué de 5 modules :
- Recensement national du castor (hiver 2021-2022)
- Biodiversité
- Migration piscicole
- Qualité des eaux
- Stockage du carbone
- Modélisation castor et zones alluviales
Les principaux résultats sont évoqués ici, ils sont détaillés sur le site du service conseil castor [12].
Recensement national du castor (hiver 2021-2022) [13]
Entre décembre 2021 et avril 2022, plus de 400 cartographes et gardes-faune ont parcouru quelques 7000 km de cours d’eau à la recherche de traces de castors. Voici les principaux résultats de ce projet :
- Entre 2008 et 2022, le nombre de territoires de castors en Suisse est passé de 472 à 1382.
- La Suisse et le Liechtenstein comptent 4914 castors. La population a triplé par rapport à 2008.
- La population continue d’augmenter dans toutes les régions. Seuls le Seeland bernois et la vallée inférieure de la Thur connaissent une baisse du taux de croissance. On observe ici une lente saturation des cours d’eau libres.
- La colonisation des petits et très petits ruisseaux se poursuit. Près de 40 % des castors vivent sur des ruisseaux de moins de 5 m de large.
- Les castors construisent de plus en plus de barrages dans les petits ruisseaux. En 2008, seuls 185 barrages ont été recensés ; en 2022, on en comptait 1316.
- S’il est vrai que l'expansion du castor s'accompagne d'une augmentation des conflits, en 2022, seuls 28 % des territoires de castors étaient considérés comme conflictuels. Ceux-ci se situent principalement en zone agricole. Pour les résoudre à long terme, de nouveaux instruments sont nécessaires.
- Le castor offre de grandes opportunités : en raison de son impact positif sur la diversité des espèces, sur les fonctions écosystémiques telles que la rétention de l’eau ou la qualité de l’eau, et sur les structures des cours d'eau, le castor peut être utilisé de manière ciblée pour une stratégie efficace de protection de la nature.
Biodiversité
Ce projet a étudié l'influence du castor sur la composition et la diversité de différents groupes d'organismes (poissons et écrevisses, amphibiens, odonates, macrozoobenthos et macrophytes). Dans le cadre de ce module, 16 territoires de castors du Plateau suisse situés sur des plans d'eau structurellement très différents (naturels, peu et fortement altérés) ont été étudiés durant 2 ans.
- Le castor conduit à une augmentation significative du bois mort et des substrats inorganiques (sédiments fins, sable etc.)
- L’abondance des poissons et écrevisses, des amphibiens, des odonates et des macrophytes réagit positivement à la présence du castor. Aucune augmentation significative de l’abondance du macrozoobenthos n’a pu être démontrée. Cela est sans doute dû à l’effet de dérive (drift-effect) : lors des crues, les larves sont emportées par le courant ce qui oblige fréquemment les adultes à recoloniser les tronçons depuis l’aval. Un effet de « lissage » des abondances entre les tronçons d’étude et les tronçons contrôle expliquerait donc l’absence de différence significative entre les sites.
- Les truites présentes dans les étangs de castors sont tendanciellement plus grandes et plus lourdes que dans les sites contrôles.
- Le pourcentage d'augmentation de la biodiversité est plus élevé dans les sites altérés que dans les sites proches de l’état naturel.
- La diversité des espèces est multipliée par 2,6 dans les étangs de castors par rapport au site contrôle, tandis que l’abondance est multipliée par 5,9 (résultats sur les 16 sites d’étude).
- Si l’on considère uniquement les territoires ayant conservé leurs barrages tout au long de l’étude (les barrages de 5 territoires ont été balayés par des crues entre 2021 et 2023), on observe une multiplication de la diversité spécifique par 3,1, tandis que l’abondance est multipliée par 13,7.
- Si l’on considère uniquement le sous-groupe de 4 territoires présents en forêt et où les activités du castor permettent de reconnecter le cours d’eau à la plaine alluviale, on observe une diversité des espèces multipliée par 6,5, tandis que l’abondance est multipliée par 62.
Migration piscicole
Cette étude sur les castors et la migration piscicole visait à investiguer le comportement des poissons face aux barrages de castors. Trois types de cours d’eau ont été étudiés : connecté latéralement, intermédiaire et incisé.
- Un ruisseau latéralement connecté avec des chenaux latéraux conduit à un nombre élevé de remontées. Sur le site d’étude du Schwarzbach, ce sont près de 75 % des truites qui ont réussi à franchir le barrage de castor.
- Nous avons pu démontrer grâce au tronçon d’étude du Chriesbach (une rivière relativement incisée mais présentant tout de même un petit lit majeur) que la formation rapide de chenaux latéraux sur le lit majeur en cas de crues peut faciliter la remontée des poissons. Sur ce tronçon, même une espèce aussi peu mobile que le chabot parvient à franchir le barrage (35 % des individus).
- Par conséquent, les caractéristiques du chenal sont importantes pour la remontée des poissons sur les barrages de castors.
- Les remontées sur le Tegelbach (cours d’eau incisé) coïncident généralement avec les crues ou la baisse des débits de crue. En l’absence de formation de chenaux secondaires, les poissons profitent d’une égalisation entre les niveaux d’eau amont et aval pour franchir le barrage de castor.
- Sur le Chriesbach (cours d’eau incisé avec lit majeur), de nombreuses remontées, mais pas toutes, coïncident avec un rapprochement des niveaux d'eau amont et aval. Cela s’explique par le fait que même lors de crues de faible ampleur, des chenaux latéraux permettant la remontée des poissons se forment sur le lit majeur.
- Les conditions météorologiques influencent grandement le succès de traversée : Les années humides (2021), la remontée des poissons était plus facile tandis qu’en période de sécheresse (2022), la remontée des poissons était plus difficile.
- Ainsi, on peut conclure que dans un cours d'eau suisse « normal », un barrage de castor ne pose pas de problème aux poissons.
- Ce n'est que dans les cours d'eau régulés, comme les passes à poissons, ou lors de phases particulièrement sèches pendant la migration de frai des truites de lac/des saumons, que des problèmes pourraient se poser.
Wikis qui traitent du castor :
Nom du site | Thématique | Comentaire | Nbr de vue |
---|---|---|---|
Wikipédia - fr | Castor (genre) | Bon article, on y perçoit une grosse contribution québequoise (images, thématiques des chapitres). Comprend le castor européen et le castor canadien. | 3 973 |
Wikipédia - fr | Castor (animal) | Article relativement succin. Y intègre les ragondins. La liste de toutes ce qui a été considéré comme castor mets très bien en perspectives que c'est compliqué... | 643 |
Wikipédia - fr | Castor d'Europe | Article le plus riche de la série. Il est sur un sujet ciblé. Il est bien structuré. On y trouve facilement la partie qui concerne la Suisse. Avec une redirection vers un article plus pauvre que la section de cet article. | 1 086 |
Wikipédia - fr | Castor en Suisse | Thématique intéressante mais article très faible. De plus il est "orphelin de langue" (il n'a pas d'équivalent dans d'autres langues, ce qui montre le faible intérêt pour cet article sur wikipédia - francophone) | 5 |
Wikipedia - en | North american beaver | Très bon article, scientifique ce qu'il faut mais pas trop. Bonne richesse d'illustration (photos, illustrations/dessins , photo de statue, drapeau) | ? |
Wikipedia - en | Beaver | Aussi très bon article. Gros coup de coeur sur l'arbre des espèces avec liens vers les articles | |
Wikipedia - de | Europäischer Biber | C'est bon, c'est précis, c'est sourcé, c'est de l'allemand. Coeur sur la vidéo du castor (trace d'autrichien dans l'article) | |
Vikidia | Castor | ||
Wikimini | Castor |
Sites internet (CH) qui en parlent :
https://www.pronatura.ch/fr/dico-castor
https://www.wwf.ch/fr/especes/castors-authentiques-rongeurs
https://www.beaverwatch.ch/le-castor
https://www.infofauna.ch/fr/services-conseil/castor#gsc.tab=0
https://www.fr.ch/energie-agriculture-et-environnement/agriculture-et-animaux-de-rente/castor
https://www.nicolas-stettler.ch/en/blog/beaver
Sources
- ↑ Stocker, G. (1985). Biber (Castor fiber L.) in der Schweiz. Probleme der Wiedereinbuergerung aus biologischer und ökologischer Sicht. Berichte. Rapports. Rapporti, (274)
- ↑ Revenir plus haut en : 2,0 et 2,1 Blanchet, M. (1977). Le castor et son royaume: le roman de Bièvre. Ligue Suisse pour la protection de la nature.
- ↑ Revenir plus haut en : 3,0 et 3,1 Angst C. (2010). Vivre avec le castor. Recensement national de 2008 : Perspectives pour la cohabitation avec le castor en Suisse. Connaissance de l’environnement no 1008. Office fédéral de l’environnement, Berne, et Centre Suisse de Cartographie de la Faune, Neuchâtel. 156 p
- ↑ Angst, C., Auberson, C., Nienhuis, C. (2023). Recensement du castor 2022 en Suisse et au Liechtenstein. Info fauna – service conseil castor et Fornat AG. 140 S.
- ↑ Rahm, U. & Bättig, M. (1996). Le castor en Suisse, recensement, menaces, protection. Cahier de l’environnement no 249. OFEFP. 68 p.
- ↑ OFB (2023). Réseau de correspondants Castor, https://carmen.carmencarto.fr/38/Cas-tor.map, état janvier 2023.
- ↑ Loi fédérale modifiant celle sur la chasse et la protection des oiseaux (Du 23 mars 1962). FF 1962 I 707. https://www.fedlex.admin.ch/eli/fga/1962/1_681_707_465/fr
- ↑ OFEFP (1994). Listes rouges des espèces animales menacées de Suisse. Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP), 3003 Berne. 97 p.
- ↑ Capt S. (2022). Liste rouge des mammifères (hors chauves-souris). Espèces menacées en Suisse. Office fédéral de l’environnement (OFEV) ; info fauna (CSCF). L’environnement pratique no 2202 : 42 p.
- ↑ Loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages (Loi sur la chasse, LChP). SR 922.0. https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1988/506_506_506/fr.
- ↑ Ordonnance sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages (Ordonnance sur la chasse, OChP). SR 922.01. https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1988/517_517_517/fr.
- ↑ https://www.infofauna.ch/fr/services-conseil/service-conseil-castor/gestion/projets-de-recherche#gsc.tab=0
- ↑ https://www.infofauna.ch/fr/conservation/2024_biber-bestandeserhebung-2022#gsc.tab=0
- ↑ https://www.infofauna.ch/fr/conservation/2024_castor-et-biodiversite#gsc.tab=0
- ↑ https://www.infofauna.ch/fr/conservation/2024_diversite-poissons#gsc.tab=0
- ↑ https://www.infofauna.ch/fr/conservation/2024_qualite-des-eaux#gsc.tab=0
- ↑ https://www.infofauna.ch/fr/conservation/2024_cycle-du-carbone#gsc.tab=0
- ↑ https://www.infofauna.ch/fr/conservation/2024_modelisation-de-plaines-alluviales-creees-par-le-castor-en-suisse#gsc.tab=0